On parle de plus en plus des bienfaits de la méditation, y compris dans les milieux médicaux. À tel point que les livres sur le sujet se multiplient. Mais comment s’y retrouver parmi toutes ces techniques?
Attentes et destination “finale ».
J’ai commencé à pratiquer la méditation vers l’âge de 18 ans, et je viens de passer le cap des 70, je commence donc à avoir un peu d’expérience, et depuis quelque temps, je caresse l’idée de partager les réflexions que cette partie de ma vie méditative m’a inspirées.
Au début de ma pratique, j’avais des attentes, d’où la quête de LA MÉDITATION FINALE. J’ai passé des années à chercher celle qui me permettrait d’entrer dans cet autre monde que j’imaginais libéré de tout souci. C’est l’archétype classique de l’autre côté du miroir. J’ai imaginé la cloche en haut du mât, dont le tintement pourrait faire tomber toutes les illusions, comme une banane dont la peau s’ouvrirait naturellement.
Existe-t-il quelque chose au-delà des illusions ?
Dans le monde de la spiritualité, il existe de nombreux maîtres autoproclamés qui laissent leurs disciples fantasmer sur cette idée d’un ” au-delà des illusions “. Que peut-il donc y avoir de l’autre côté du voile ? Derrière l’écran de maya ? S’inscrire à ce voyage vers l’éveil implique souvent un péage… Accéder à l’éveil coûte souvent plus cher que de faire changer ton tableau de plomb par un électricien ou de refaire ton circuit électrique. J’ai compris depuis qu’en matière d’éveil, mieux vaut un bon artisan qu’un mauvais gourou.
Respirer par une seule narine, s’engourdir l’esprit avec des mantras, sauter en l’air comme une marionnette, capter l’énergie des pierres ou des arbres, se faire des câlins, visiter des lieux sacrés, essayer de suivre un chaman en costume folklorique pendant un stage de survie, avaler des choses imbuvables ou immangeables, essayer des thérapies bioénergétiques, visiter le Machu Picchu ou faire une retraite à Taos au Nouveau-Mexique… tu pourrais y passer ta vie sans aucun résultat. C’est le risque que tu cours s’il te reste le moindre soupçon d’attente quelque part….
Le zen n’est même pas zen.
C’est grâce au zen que j’ai commencé à réaliser que, finalement, même une benne pleine de déchets est potentiellement un lieu sacré… D’un simple coup d’éponge, j’ai vu disparaître le décor que j’avais pris pour la “réalité”, ainsi que toutes les attentes de découvrir quelque part un “envers” à ce paysage à la Magritte. Ce jour-là, j’ai réalisé que la réalisation de cette simple prise de conscience m’avait pris 30 ans de ma vie, et que pendant tout ce temps, je n’avais fait que vivre en partie sans m’en rendre compte.
Je vais être bref. Passons sur les détails. À partir de l’expérience zen, les choses deviennent très simples. Il devient plus facile de comprendre les bases de l’esthétique épurée du Japon. Pour remplir un récipient, il faut qu’il soit vide. En fait, tu ne “comprends” pas le vide, tu dois faire l’expérience directe du vide…
Toutes les idées, croyances, mots, lectures et certitudes sur la vie qui poussent les gens à s’opposer, à se disputer et à se faire la guerre ont nourri et alimenté un trop-plein d’idées fausses. Résultat : nos cerveaux ressemblent à une décharge publique.
Heureux les pauvres d’esprit.
Le jour où nous parvenons à nous vider vraiment de tout préjugé, à tout lâcher, à mourir à nous-mêmes, nous comprenons que les paraboles des prophètes ne sont plus du tout des paraboles ou des symboles à interpréter. Les « avatars » ont tous répété la même chose sous des formes différentes. C’est seulement l’interprétation humaine qui nous a fait perdre le vrai sens du message, qui était en fait très simple.
On a beaucoup glosé sur le sens de la phrase “Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux leur appartient”… comme si les mots disaient autre chose que ce qu’ils signifiaient.
Un “pauvre en esprit” n’est-il pas tout simplement quelqu’un qui n’a pas d’idées préconçues, pas de préjugés, pas d’illusions ?
La vie est un “koan” zen
Cette simple phrase n’est-elle pas l’outil de méditation le plus radical que l’on puisse trouver pour se débarrasser de tout notre encombrement mental ? Il n’est pas nécessaire de lire toute la Bible. Il te suffit de choisir une phrase qui t’intrigue et de la garder à l’esprit quotidiennement jusqu’à ce qu’elle fasse exploser toutes tes croyances. Dans le zen, on appelle cela un koan… autrement dit, une phrase inaccessible à la logique.
On pourrait même dire “à notre logique”, car il n’y a pas qu’une seule logique. Celle qui dirige notre quotidien n’est qu’un consensus, comme l’idée que la terre était plate et au centre du monde.
Nous avons tous entendu dire que nous n’utilisons que 10 % des capacités de notre cerveau et la plupart d’entre nous acceptent cette ” évidence ” invérifiable, en se disant qu’à l’avenir, on peut imaginer gagner du terrain sur nos circuits neurologiques… Et si la réalité était tout simplement que nous utilisons les circuits de surface que les générations successives nous ont transmis mais que le reste est néanmoins actif et disponible 24 heures sur 24, instantanément, si nous le décidons ?
La clé de ce basculement n’est-elle pas le vide de l’esprit, cette ” pauvreté d’esprit ” que l’on peut aussi traduire par ” lâcher prise “, le fameux ” Hang loose ” des surfeurs hawaïens ?
Le lâcher-prise, c’est l’esprit méditatif.
N’est-ce pas là l’essence même de la vraie méditation ? Lâcher prise, flotter libre de toutes certitudes et conventions. Notre ami Socrate a utilisé la même recette lorsqu’il a dit “Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien”… Ne parlait-il pas de la vacuité de l’esprit ? Ne disait-il pas “je” de la même façon que Jésus a dit “je” lorsqu’il a affirmé : “Je suis la porte”… Et si la porte n’était pas vide, qui pourrait entrer ?
Méditer vraiment, c’est tout abandonner, les idées, le langage, les croyances, les idoles, Jésus, Mahomet, ton gourou et même Dieu, c’est abandonner ta famille, tes enfants, tes animaux de compagnie, c’est réaliser que seul le RIEN peut révéler le TOUT. C’est le sens de la phrase : “Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroît”. Et surtout, ne t’accroche pas au mot “justice”, il ne mérite pas notre attention, laisse-le glisser.
Accepter de tout perdre, c’est comme passer un contrôle de sécurité à l’aéroport. Tu laisses tes affaires derrière toi et tu les récupères de l’autre côté… C’est juste pour vérifier qu’il n’y a rien de dangereux dans tes bagages. La méditation, c’est la même chose. Tu laisses tout derrière toi. Ne t’inquiète pas, personne ne te volera tes enfants ou tes animaux préférés, au contraire….
Vers une méditation sans fin
Le dernier point important par lequel j’aimerais terminer ce petit tour d’horizon concerne la durée des méditations. Là aussi, il règne une certaine confusion qui fait perdre à l’acte méditatif presque toute son efficacité… L’idée qui prévaut est que, contrairement aux blagues, qui doivent être courtes, l’efficacité d’une méditation est proportionnelle à sa longueur. Les stages intensifs, les retraites et les marathons de méditation sont comme des machines à laver. À la fin du cycle de lavage, les vêtements peuvent ressortir propres, mais après quelques jours de retour à la “réalité”, tu es à nouveau dans le panier à linge.
En fait, la méditation n’est pas une destination. C’est précisément le contraire. L’important, c’est de rester là où tu es. Au terme de tes efforts, tu ne t’identifies pas à l’Univers ou à Dieu, tu réalises simplement que tu es ce que tu cherches. Cela répond directement à la célèbre injonction du temple d’Apollon à Delphes : “Connais-toi toi-même”.
Mais là encore… il faut se méfier du piège des idées et du langage. À l’instar de cet article, le mode d’emploi n’est que le geste par lequel le doigt pointe vers la lune. Il est essentiel de quitter celui-ci des yeux et de regarder dans le vide, car c’est seulement là que tu pourras percevoir l’invisible et entendre le message sans paroles du silence.
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